Une enquête internationale Precisely / Drexel LeBow publiée fin 2024 révèle que 67 % des organisations n’ont pas totalement confiance dans leurs propres données et 62 % considèrent le manque de gouvernance comme l’obstacle majeur à leurs initiatives IA et analytics. Les DSI que j’accompagne le constatent au quotidien : quand les définitions fluctuent d’un service à l’autre, la « culture data » patine et la facture grimpe très vite.
Incompréhension entre métiers et IT : un mal structurel dans les projets data
Vos data scientists codent tranquillement des algos de recommandation, vos business analysts consolident leurs KPI dans Power BI, et l’équipe IT gère l’infra dans l’ombre.
Sauf que, dans beaucoup d’entreprises, personne ne s’est vraiment concerté sur la signification précise d’une « opportunité », d’un « client actif », d’un « panier moyen », etc.
Chacun a son vocabulaire, ses champs, ses abréviations. Résultat, vous pouvez vous retrouver avec des :
- Rapports contradictoires sur un même indicateur.
- Dashboards incohérents qui sèment le doute.
- Pipelines bancals qui finissent par déconnecter le chiffre de la réalité.
J’ai déjà vu un industriel perdre plusieurs semaines de facturation parce que le marketing et la finance ne comptaient pas les “ventes fermes » de la même façon…
Autre exemple, il y a quelques années, l’américain Unity Software a affiché 110 millions $ de perte de revenu après avoir ingéré de « mauvaises données client ».
Dans ces conditions, votre stratégie data‑driven se résume à une belle présentation PPT.
Champs obscurs, définitions absentes, sigles incompris : le quotidien des utilisateurs
Demandez à votre équipe : « La colonne « clt_actif_12 » de votre table « main_2025 », elle parle de quoi exactement ? » Si un grand silence et une hésitation s’ensuit…
« Alors euh… c’est un client qui a acheté sur 12 mois ? Ou depuis 12 semaines ? On ne sait plus trop, Jean-Michel l’a développé l’an dernier, mais tu te souviens, il a quitté la boîte. »
…ça ne sent pas bon 😉.
En clair :
- Chacun bricole sa propre définition.
- Les documents officiels dorment sur un serveur que plus personne n’ouvre.
- La collaboration s’appuie sur des suppositions et finit, soyons francs, par l’arbitrage du plus persuasif.
Toujours selon Gartner, 59 % des organisations ne mesurent même pas la qualité de leurs données. Or mesurer, c’est déjà commencer à parler la même langue.
Les conséquences UX de cette fracture : erreurs, frustration, démotivation
Premier domino : la qualité des données plonge.
Quand l’utilisateur final doute du sens, il renseigne des valeurs approximatives ou abandonne le formulaire. Résultat :
- Des alertes de qualité qui se multiplient.
- Des managers qui referment un dashboard dès qu’ils voient un « kpi_12_suspect_1 ».
- Des équipes qui se renvoient la balle : « vous changez d’avis » contre « vous jargonnez ».
Avec un coût moyen de 12,9 millions $ par an, le sujet n’est plus seulement technique, il est stratégiquement vital, et franchement, je préfèrerais investir cette somme ailleurs.
Les solutions à mettre en place
Pour sortir de l’ornière, je recommande cinq leviers concrets :
- Organiser des ateliers data
Réunissez métiers et IT, dressez la liste des termes critiques et validez des définitions stables : client actif = au moins un achat sur les 12 derniers mois – gravé dans le marbre jusqu’à la prochaine révision collégiale. - Constituer un dictionnaire de données
Un wiki, Notion ou un catalogue dédié (Collibra, Alation…) suffit. L’essentiel : un référentiel partagé, avec définition, propriétaire et date de mise à jour. Au passage, vous pouvez voir une présentation plus détaillée des approches de dictionnaires de données sur https://www.blueway.fr/enjeux/dictionnaire-donnees. - Nommer des Data Stewards
Des référents métiers chargés de garantir la cohérence et de faire le pont avec la technique. - Automatiser la documentation
Les scanners de schémas alimentent le catalogue, mais l’humain tranche pour éviter le “garbage in, garbage catalog ». - Former et inciter
Inscrivez la maîtrise du dictionnaire dans les objectifs annuels, valorisez les contributions et organisez des « lunch & learn » pour maintenir le réflexe.
Mon conseil : commencez petit avec dix définitions prioritaires, revues chaque trimestre, puis élargissez. Une bible de 200 pages, jamais ouverte, n’a jamais sauvé un projet.
La clarté des définitions, levier discret mais décisif
Un outil peut être irréprochable côté ergonomie, mais si l’indicateur principal reste ambigu, l’expérience n’y gagne rien. Lisibilité des champs, définitions unifiées, acronymes cohérents : voilà les véritables accélérateurs de performance. Quand un langage commun s’installe, les erreurs diminuent, la confiance se renforce, et vos investissements BI produisent, enfin, les effets attendus.
Je reste persuadée qu’un dictionnaire de données, ou, plus largement, un socle de définitions partagées rapporte souvent davantage que des centaines de jours‑homme dédiés à personnaliser vos outils. Avant d’ajouter un nouveau KPI, posez‑vous toujours la question : « Dans quelle langue parlons‑nous vraiment ? » Et, si la réponse varie selon les bureaux, vous savez désormais par où commencer !